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TABATO, UN VILLAGE DE GRIOTS

Un Village au Coeur de la Guinée-Bissau & de son histoire

D’après les propos recueillis de

Mario CISSOKO {Historien, Ethnologue, Anthropologue, Archéologue linguistique, Consultant à l’UNESCO – Bissau – Guinée Bissau}

& Moutaro DJABATE, chef du village & Maître de la Parole de Tabatô.

Tabatô, village agricole de Griots (cf. page Culture/article Manden), est situé au coeur de la Guinée Bissau, sur la commune de Bafàta, à 30km de Gabù, où est née la Légende de la Kora. Mbady Diabaté (fondateur de l’association Traid’Union), le Vieux Mbady Kouyaté (Griot Koriste -actuel « Père vivant » de la Kora) & le père de Ba Cissoko (Artiste musicien reconnu internationalement) sont originaires de ce village.

Tabatô est un musée dynamique qui a naturellement scellé les unités entre les différents peuples, rois & colonisateurs de la région. Mario Cissoko dira que « l’histoire de la sous-région se lit dans la généalogie de Tabatô.« 

Voici la carte présentant l’itinéraire entre Nice (France – Sud Est -06) & Tabatô (Guinée Bissau – Centre) (Itinéraire)

Boudounka Ibrahim Djabaté: 1er Griot fondateur de Tabatô, originaire du Boundou

Il y a 5 siècles (vers 1500), le Griot Boudounka Ibrahim Diabaté, ressortissant du Boudoun Fouda, vient s’installer à Tabatô, en y amenant le Kamali N’goni. Il était originaire du Badyar, région de Kundara (actuelle région de Boké de la Rep. de Guinée). En tant que Griot « pacificateur », Boudounka fit trancher la dynastie des Mballo.

Base du tronc d'un vieil arbre de Tanatô

Le Boundou (cf. page Culture/ article Mandèn) est une ancienne région d’Afrique de l’Ouest, né dans dans la Haute-Antiquité, regroupant les actuels pays suivants: Sénégal, Guinée, Sierra Léone, Libéria, Mali, Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Gambie & la Guinée Bissau. Dans le Boundou coexistaient différents peuples de cultures différentes: la région de Gabù (qui allait jusqu’à Bafàta – 15 km à l’Ouest de Tabatô – frontalier avec l’Empire de Gambie) en était l’épicentre & a essaimé les pays limitrophes culturellement. Les peuples du Boundou se sont métissés aux autres par la confiance & la rencontre avec les autres peuples.

Cliquez ici pour aller vers la carte traçant la région du Mandèn. 

De l’origine de Tabatô à aujourd’hui: légende & réalités. 

Boudounka Ibrahim Djabaté est l’ancêtre direct de Moutaro Djabaté, actuel chef de village de Tabatô, Maître de la Parole, acteur principal du film « La Bataille de Tabatô » & père de Mbady Diabaté.

Moutaro Djabaté nous conta en mandingo (un des dialectes mandingues, assez répandu chez les Griots) la légende de la création du Village de Tabatô & son histoire contemporaine, qui nous a été traduite par son 3ème fils, Mbady.

« A son arrivé à Bafata, le roi Yorobili, du village de Dardun, reçut le griot Budunka, et l’installa au village de Brincasse, à 2 km de l’actuel village de Tabatô. Voyant qu’il devait avoir une culture similaire voire commune avec les « diables » qui jouaient le balafon et le n’goni dans la forêt sacré de Tabatô, il lui demanda d’aller y vivre.

Emportant son n’goni et un « dum » (gros tambour qui se joue avec une baguette incurvée à bout rond et plat) , le Griot Boudounka s’y renda et se trouva en compagnie des diables: il leurs lança son n’goni. Dans la nuit, le griot rêva que les diables lui expliquèrent comment fabriquer un balafon. Le matin, au réveil, Boudounka alla fabriquer son balafon et l’accorda avec le n’goni. Puis il reparti voir le roi Yorobili avec ses instruments accordés. A cette époque, chaque ville avait son roi, et Boudounka alla de ville en ville chanter et jouer des louanges. Il eut tellement de succès qu’il  reçu beaucoup d’animaux en don, et créa le Village de Tabatô, village agricole. Boudounka eut 3 fils : l’aîné est Bayali (Djali Coly) ; le cadet, Yaya ; le germain, Ansouman. Yaya est né à Fula Muri; il est l’homonyme d’Alpha Yaya Diallo, Roi Peul du Fouta.

Au Temps de la colonisation, les griots continuèrent à jouer pour les préfets et les ministres. Moutaro & Ansouman, son frère, partirent au Portugal pour représenter la culture du Manding de Bissau. Grâce à cela, le village de Tabatô fut reconnu Village représentatif de la culture mandingue de la Guinè-Bissau.

Après la colonisation, le parti démocrate PAIGC vint au pouvoir et s’est rapproché de Tabatô. Les Nations-Unies ont financé la construction d’une Maison de la Musique qui fut ensuite détruite durant la guerre des années 1990. Avant la guerre, près de 300 occidentaux venaient annuellement visiter le village de Tabatô et son mode de vie ancestral d’art, d’artisanat et agricole.

Dans les années 2010, Mourato Djabaté créa un festival à Tabatô, pour la diffusion, la promotion de la culture mandingue dans le monde. Il partit en Chine, en Corée, au Canada.

En 2012,  par le biais de l’aide EuropAid, l’Europe devait financer la reconstruction de l’Ecole de Musique de Tabatô. Mais le Coup d’Etat arrêta momentanément le projet.

En 2013, la réalisateur portugais Joao Viana produit le film « La Bataille de Tabatô, participant au Festival du Film Africain au Maroc, Khourigba.

Le film « La Bataille de Tabatô »

Critiques: Le Monde // Mondafrique

Tabatô, un Village d’Homme Heureux à préserver….

Nous avons posé quelques questions à Moutaro Djabaté sur l’organisation & le mode de vie de Tabatô. Voici ses réponses.

Pourquoi, malgré la précarité et la souffrance du quotidien par manque de moyens matériels, il règne une atmosphère de bien-être, de vie heureuse à Tabatô ?

Selon Moutaro Djabaté,

« les gens y sont biens car cela fait des générations que ce sont les mêmes familles qui habitent & vivent ensemble. Ce sont les descendants directs des bâtisseurs de Tabatô, de ceux qui ont donné la valeur de la culture du Manding à la Guinè-Bissau. »

D’ailleurs Mario Cissoko définit la Gérontocratie comme un modèle d’organisation de société

« plus évoluée que la démocratie grâce à la perpétuation naturelle de la paix par le tissage des liens familiaux. Elle apporte des réponses, des solutions de paix. Il n’y a pas de jalousie, ni de compétition possible dans la mesure où les familles se donnent les unes aux autres leurs qualités, leurs compétences naturelles. »

Moutaro Djabaté continue à nous expliquer que

« La philosophie de vie des griots est de donner sans attente de retour, de contre partie quelque ce soit (lucratif ou non). La tradition raconte que les peuls fuirent les griots du pays de Gabù. La coutume veut que si les griots chantent et jouent des louanges à une communauté, un rassemblement, alors ils doivent recevoir en retour une vache, une chèvre, ou une plantation, car son autre devoir est d’assurer le vivrier alimentaire du peuple et du royaume. Or les peuls ne donnèrent rien et les griots continuèrent de jouer et chanter pour eux. Les peuls eurent hontes de leur propre égoïsme et fuirent leur trop grande bonté. »

L’organisation de la vie au village de Tabatô.

Tout le monde au village est artiste et agriculteur. Il y a environ 500 habitants. Chaque famille est propriétaire de sa maison et possède des champs à cultiver, desquels ils doivent tirer leurs revenus pour leur famille.

Le village se concerte pour aider et améliorer la vie des uns et des autres. Par exemple, si une personne rencontre des difficultés pour travailler sa parcelle,  ou s’il y a des problèmes sociaux (comportements déviants entre autre), le village se réunit et trouve des solutions.

Le devoir pacificateur des griots fait que la violence ne demeure pas au village. Lors de la colonisation, les violences qui existaient entre les « blancs » et les « noirs » n’entraient pas dans le village, et les griots de Tabatô allaient trancher leurs conflits. Ce qui est aussi vrai pour les autres types de conflits.

Avec l’embargo de 2012, les prix du marché agricole ont été cassés. Le village manque d’avoir une autorisation et des camions pour pourvoir vendre à meilleur prix leur récolte sur le port de Bissau.

Découvrez le Village de Griots Djabaté, le Village de Tabato en Guinée-Bissau en téléchargeant notre PDF ici! Téléchargement Merci! Obrigado! Aniké!

Autres liens sur Tabatô: 

FB: Evènement au Portugal de la présentation du documentaire « DE L EAU POUR TABATô »

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